Bien sûr on ne rit pas tous les jours quand on est impliqué concrètement et quotidiennement. Il faut sortir du romantisme et de l’héroïsme des projets de développement pour reconnaître que l’amour est souvent mis à rude épreuve par le quotidien, les mesquineries et les jalousies pour le pouvoir.
En 1989, donc tout au début de Songhaï, nous avons failli fermer la maison tant les autorités nous bloquaient dans notre travail. Il y avait aussi un problème de main-d’œuvre : les jeunes en formations réclamaient le droit de travailleurs sans véritablement travailler. Ce qui nous a amenés au tribunal et a débouché heureusement à un accord le gouvernement béninois qui reconnaissait la valeur du travail entrepris. Plus tard, un bulldozer a traversé notre terrain pour s’en approprier une partie : polémique, discussion, accusation car je ne suis pas béninois… Là encore les autorités ont fait preuve d’un grand soutien à Songhaï et cette connivence continue encore aujourd’hui, ce qui facilite l’aboutissement de certains dossiers. C’est une preuve que l’environnement socio-politique peut changer le cours des événements, au moins pour une part.
Toujours en 1989, quand les gens ont vu peu à peu qu’il n’y avait pas d’argent facile à partager à Songhaï, mais qu’il fallait se mettre au travail, d’autres critiques sont apparues : J’étais un espion américain dont il fallait se méfier… jusqu’à ce que cela entraîne l’un de mes collaborateurs en prison pour quelques semaines, pour prix de son engagement à mes côtés.
Combien de personnes travaillant à Songhaï sont parties avec des pintades sous le bras, des lapins ou même des machines ! C’est l’argent d’autrui, alors on peut se servir tant qu’on y a accès. C’est bien ce que font hélas ! beaucoup de responsables politiques dans le monde : se servir tant qu’on a une place de ministère car cela ne va pas durer, alors profites-en ! Fausses factures et vols en tout genre furent réalisés par certains des collaborateurs que nous avions engagés : un projet signifie, hélas !, dans le monde du développement un endroit où il y a de l’argent. Il faut en profiter pour se servir.
Moqueries et médisances face à notre détermination du départ où tous espéraient que j’allais vite, avec mon équipe de non-spécialistes, me fatiguer et démissionner. C’est une réelle mise à l’épreuve, car biologiste et informaticien, je n’avais rien d’un agronome patenté ! Il y a eu alors beaucoup de calomnies et de critiques face à notre travail car nous avions décidé de retrousser nos machines et de viser l’auto-suffisance pour éviter de dépendre à long terme de l’aide extérieure.
Il y a eu aussi des réactions véritablement racistes : jamais les gens ne me prenaient pour le directeur, s’adressant toujours à un « Blanc » qui se trouvait par là. Ce sont là de signes de préjugés, d’incapacité à croire en l’autre, en l’homme africain.
Et au fil des ans, toujours des incompréhensions, des jalousies d’autres organismes qui voient Songhaï évoluer, grandir… des coups montés aussi pour orienter des évaluations de façon qu’elles soient négatives et qu’elles bloquent des soutiens ou pour détourner des membres et les engager, une fois qu’ils furent bien formés à Songhaï. Il y a eu aussi des difficultés de l’équipe, les rivalités en internes, les jeux de pouvoir ou influence politicienne.
Le terrain du développement est très difficile et plein de relations de force et de pouvoir, car on heurte des habitudes. Je parle souvent du « pâturage des ONG » : tout le monde cherche de l’argent et des moyens et on est à tout prendre sans vision, sans projet réel, mais pour vivre, quitte à faire plaisir aux bailleurs de fonds et écraser les autres. Et ça, c’est très grave pour l’Afrique qui se « prostitue ».
L’aventure du développement n’est donc pas un « long fleuve » mais une bataille de tous les instants. Il faut tenir face aux bourrasques. On peut alors, au cœur des tempêtes, expérimenter la joie de la vie, plus forte que tout. Extrait du livre : « Songhaï, Quand l’Afrique relève la tête » du père Godfrey Nzamujo, publié aux éditions cerf.
SONGHAÏ est une vraie source d’inspiration pour ABCom ONGD. J’ai personnellement eu plaisir de découvrir cet homme, j’ai serré sa main le 11 Mai 2022. O sanctus pater, sic transit gloria mundi, le père Godlfrey Nzamujo est le tenant de la simplicité, cet adage ainsi passe la gloire du monde, il l’applique dans toute sa rigueur. Les grands de ce monde (Koffi Annan, Ban Ki-Moon, une liste infinie des chefs-Etats, des officiels sont passés par là, plus de vingt mille visiteurs par an viennent voir, s’inspirer du centre Songhaï fruit de peines, des bourrasques. Au-delà de ceci, ce qui donne encore plaisir, c’est l’infrastructure sociale, le goût de faire, la prise de conscience que le centre Songhaï donne à la jeunesse. ‘‘Ce qui est plus important dans ce qu’on fait, c’est d’abord la vision du Centre Songhaï qu’il faut avoir alors là, ensemble nous serons à mesure de déplacer des montagnes. Ce qui est important, c’est de savoir qu’est-ce que la jeunesse de demain peut apprendre sur celle d’aujourd’hui’’ a dit le Chef du complexe de pisciculture moderne M. CHERIF. Une synergie parfaite entre les sections, où tout se transforme. Merci père Godfrey Nzamujo.
United Nations OCHA
Centre Songhaï
Songhai Centre